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L'Eclair et la Lanterne

Une étudiante de 40 ans à Paris qui aime écrire. Sauf mention contraire, toutes les photos sont de l'auteur.

Aujourd'hui table de

... cuisine de mes grand-mères.

D'un côté, une table en Formica pour quatre, où l'on pouvait poser des rallonges ; la nappe rouge à carreaux a cédé la place à une toile cirée provençale, quelque part dans mon adolescence. Du vivant de mon grand-père, on y petit-déjeunait de biscottes trempées dans une chicorée ou un thé au lait ; on y goûtait aussi de grosses brioches à la praline et de chocolat chaud. Dans un tiroir se serraient les couverts, des Bic bleus, des listes de courses et une paire de vieux ciseaux disjoints, qui nous servait encore. Dans un autre tiroir, ma grand-mère veuve rangeait les cahiers où elle écrivait, et qu'elle m'avait demandé de dactylographier, mais de ne pas transmettre à qui que ce soit d'autre que la famille - en théorie, après sa mort.
Sur cette table, j'ai appris à séparer les blancs des jaunes et à rouler des nems, et déjeuné aussi de soles meunières, tous les mercredis, après le catéchisme ; et parfois même dîné, de jambon et de nouilles.

De l'autre côté de la clôture qui séparait les potagers, une autre table, un peu plus longue, avait contenu tant bien que mal les couverts de neuf personnes. La nappe, ornée de canards sauvages, rappelait l'activité de certains hommes de la famille, dont mon autre grand-père - la chasse, et la taxidermie. J'y ai très rarement déjeuné, mais beaucoup plus souvent goûté, car les dix-huit petits-enfants (dont j'étais) nés de cette nombreuse fratrie habitaient tous la même vallée et leur rendaient souvent visite, sans parler des cousins éloignés ; et on était toujours certain de croiser autour de cette table quelqu'un qu'on connaissait.
Mon autre grand-mère sortait alors du placard une boîte de biscuits remplie de boudoirs, de gaufrettes et autres délices pour enfants, ou, vers la fin de l'été, l'une de ses ses incomparables tartes aux myrtilles, qu'elle congelait et décongelait par lots de deux ou trois, et que nous dévorions en quelques minutes.

Lorsqu'elles ont toutes les deux vieilli, nous nous sommes attelés à la tâche de confectionner le thé d'un côté, et le café de l'autre ; puis à celles de la vaisselle et de la vérification du frigo.

Puis il n'y a plus eu de maisons.

Mais la vie doit continuer, malgré tout... tant qu'il en reste encore un peu.

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