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L'Eclair et la Lanterne

Une étudiante de 40 ans à Paris qui aime écrire. Sauf mention contraire, toutes les photos sont de l'auteur.

Aujourd'hui ça ressemble presque à une blague

Je me promène sur le site du Collège de France en attendant que le détergent appliqué sur ma baignoire fasse effet, quand je remarque un podcast intiltulé Des mules de Rome aux chevaux de l'Inde du Nord.

M'attendant à un de ces cours transculturels dont je raffole, je vais pour l'écouter sur le site de Radio France, où j'apprends que le Pr Dario Mantovani est juriste-historien à l'université de Pavie, adepte de la "lecture contextuelle" des textes et que le présent podcast aura un rapport avec l'écologie.

A priori, rien à voir avec le titre. Mais (ou plutôt donc) je clique. Et tout s'éclaire : la présente leçon met en rapport deux jugements sur des incidents en route commerciale pentue avec des chariots et des chevaux, l'un rendu en Inde dans l'Etat de l'Uttarkhand en 2018, et l'autre dans la Rome antique.

Les deux jugements s'appuient sur des catégories que l'on retrouve en droit romain, dont celle de personne. Cette notion est interprétée de façon opposée dans les deux cas : 

- Le jugement indien s'appuie sur une personnification de la nature pour ordonner de protéger les animaux malades ou maltraités. Ce fut déjà le cas pour le dieu d'un temple dont les gérants peuvent disposer comme du bien d'un mineur. Une telle vision des choses rend techniquement supérieur l'homme à l'animal (ou au dieu) et fausse l'argument d'égalité mis en avant par la plaidoirie.

- Le juriste romain, lui, voit l'esclave écrasé par le chariot du devant comme un bien à rembourser, au même titre qu'une mule, alors que le droit romain classe les esclaves dans la catégorie des personnes (mais des personnes "non-libres", en opposition aux citoyens, je pense.).

Les utilisations de ce terme sont donc totalement différentes.

On voit également dans le jugement de l'Uttarkhand qu'outre des arguments historiques et philosophiques purement indiens, des notions du droit romain sont réutilisées, telles que celle de bien public (pro bono publico) ou de relation familiale (de loco parentis) pour justifier et définir nos relations avec la nature et la nécessité de préserver cette dernière ; mais peut-elle être considérée comme une personne, sachant qu'une personne, outre des droits, a aussi des devoirs ?

Cette analyse, parmi d'autres, pousse le Pr Mantovani à plaider pour une actualisation des catégories du droit, la grille de lecture du réel créée par nos ancêtres n'étant plus adaptée à notre vision d'aujourd'hui.

Un podcast passionnant, que l'on soit indianiste, latiniste, linguiste, juriste ou écolo, à écouter ici :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-cours-du-college-de-france/des-mules-de-rome-aux-chevaux-de-l-inde-du-nord-5096333

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